20 minutes avec Claude Maréchal

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Les interviews de Claude Marchal sont rares. C’est un homme discret à l’humilité déconcertante. Passant sa vie entre la Belgique, la France et le Canada, j’ai profité d’une semaine à ses côtés pour me l’accaparer. 20 minutes juste pour moi. Quand on sait à quel point il peut être solliciter, ces 20 minutes sont un cadeau inestimable. J’espère en avoir pris grand soin et être en mesure de vous proposer aujourd’hui la vision de celui qui nous accompagne depuis maintenant 4 ans en Viniyoga.
Né en 1939, Claude Maréchal se met au yoga à l’âge de 20 ans pour, dit-il, « améliorer son saut en hauteur » (cf interview de Claude dans le Yoga Journal). Athlète promis à un avenir glorieux, ses espoirs de JO disparaissent après une blessure au genou.
Amoureux du sport, il deviendra par la suite prof d’EPS. C’est à cette époque qu’il est incité par un ami médecin à ouvrir un cours de yoga. L’aventure démarre en 1966. Tout se passe à merveille et lors de son premier voyage en Inde en 1969, Claude Maréchal rencontre T.K.V. Desikachar qui deviendra son professeur jusqu’à la fin. Au cours des ces nombreux séjours en Inde (6 années cumulées sur une quarantaine), Claude a la chance de côtoyer Krishnamacharya, le père de Desikachar. C’est lors d’une de ces rencontres que Krishnamacharya missionna Claude d’aller développer le yoga en Occident.
Aujourd’hui, Claude poursuit son enseignement du Viniyoga. Il forme les professeurs et les formateurs. Il enseigne aussi la yogathérapie. A 78 ans, je reste impressionnée par sa stature (très grand, il se tient droit comme un I) mais surtout par sa clarté d’esprit. Il nous fait cours sans notes et sa mémoire est époustouflante. Sans compter qu’il connaît par coeur les Yoga Sutras, en français et en sanskrit !
J’avais depuis longtemps en tête de pouvoir lui poser certaines questions. Voilà qui est fait.

Emilie – My Happy Yoga Claude, peux-tu me dire qui tu es, sans me parler de tes origines, ni ton métier, ni ta famille.
Claude Maréchal Si je devais répondre de manière très simple, je te dirai simplement que je suis une personne en recherche. Voilà.
Emilie Tu sais qu’aujourd’hui le yoga est devenu un produit marketing qui fait vendre. Que penses-tu de ce que l’on pourrait appeler ces « dérives » du yoga ?
Claude Maréchal Je pense que, ce que tu appelles « dérives », et je suis d’accord, est simplement lié au fait que notre société est une société lourdement de consommation. Celle-ci a récupéré le yoga et l’expose comme une technique de bien-être. Mais ce n’est pas du tout la vraie finalité du yoga.
La finalité du yoga c’est de pouvoir, justement, se libérer de tout ce qui est matière et de la société de consommation.
Aujourd’hui, dans les magazines et autres, on ne parle pas de cet aspect du yoga. Pas du tout. On ne parle pas de cette notion de « détachement » que l’on appelle en yoga abhyasa. On ne parle que du yoga bien-être, ce qui n’est pas faux, mais qui est très incomplet.

Emilie Il y a quelques jours, tu as évoqué ton rapport à la religion catholique. Comme dirait Desikachar « What is your Ishta Devata? » / Quel est ton Dieu ?
Claude Mon Dieu, c’est Dieu le père des chrétiens et son fils jésus. Je prends aussi la liberté d’ajouter une chose. J’appartiens à la religion chrétienne catholique, j’ai été baptisé et élevé dans une famille catholique. Ma mère était très très pieuse. Et quand on dit dans ce contexte-là, que jésus christ est le fils unique de dieu, je suis entièrement d’accord, à condition d’ajouter que nous sommes tous les fils uniques de dieu. Chacun d’entre nous est le fils unique de dieu. J’ajouterai que lorsque l’on a des enfants, j’en ai 4, chacun de nos enfants est unique à nos yeux. Lorsque l’on est avec l’un de nos enfants, l’enfant devient unique. Je suis donc totalement d’accord avec cette idée du fils unique de dieu à condition d’y ajouter que nous sommes tous les fils uniques de Dieu. Pas dans le sens où il n’y a eu qu’une seule fois dans l’histoire de la Terre que Dieu a envoyé son fils pour nous sauver. Je ne suis pas d’accord avec cela.
Autre chose qui m’a un peu embarrassé dans le discours de la religion catholique, qui est beaucoup moins répété maintenant qu’il y a 20 ou 30 ans, c’est lorsque l’on dit ‘hors de l’église point de salut. Je ne suis pas du tout d’accord avec ça. J’ai vu des indiens, des hindous qui me paraissaient être immensément près de Dieu.

Petit aparté pour rappeler que Desikachar et Krishnamacharya ont toujours respecté et accueilli toutes les religions et non-religions dans le yoga. C’est l’un des grands principes du viniyoga. Ne pas changer la personne mais lui proposer un yoga qui s’adapte à elle, dans son entité. Y compris dans sa manière de croire ou de ne pas croire. On en revient toujours au même: tout le monde peut faire du yoga 😉

Emilie On voit qu’il y a donc certains choses avec lesquelles tu n’es pas d’accord. Pour ma part j’aimerais te partager le fait que j’ai toujours été gênée par ce côté paradis/enfer culpabilisant voire menaçant. Qu’est-ce que tu en penses, toi ?
Claude J’aurais tendance ici à regarder l’enseignement paradis/enfer de l’église chrétienne comme la réincarnation en vies successives des hindous. L’idée étant la suivante. Si l’on se comporte comme un sale individu, la vie qui suit sera l’enfer (il rit) Hein ? Tu vois bien ici ce que je veux te dire. Cela peut paraître simplificateur mais c’est ainsi que je vois les choses.
Emilie Est-ce que tu crois alors en la réincarnation, concept à la fois proche du yoga et de certaines religions telles que l’hindouisme ?
Claude Pour moi, c’est une réalité. Nous devons revenir et revenir et revenir jusqu’à ce que nous ayons vécu  de manière noble, sainte, sage, avec beaucoup de générosité et beaucoup d’humilité. A ce moment-là, je comprends très bien que l’on puisse dire « après la mort, c’est la vie éternelle et un bonheur extraordinaire. »
Cette idée de revenir avec un karma sur le dos me paraît assez « logique » et je reviens à la comparaison faite tout à l’heure entre la notion de paradis/enfer et le karma.
J’ai retrouvé des convergences fascinantes entre l’Orient et l’Occident dans l’enseignement donné chez les chrétiens orientaux dans l’église orthodoxe. Ils ont des prières qui ressemblent très fortement aux mantras, notamment ce que l’on appelle la prière du coeur.

Emilie D’après ce que j’ai pu constater, tu sembles être un bon vivant. Est-ce que tu manges de la viande ?
Claude Un peu, oui. Mais je suis resté pendant 19 années végétarien très strict. Un jour, au cours d’un stage à Vaison la Romaine, je suis allé au restaurant et il y avait du poulet. Pour la première fois en 19 ans, je me suis mis à manger de la viande. Depuis ce jour, j’en mange de temps en temps.
Mais ce jour là, après avoir mangé du poulet, j’étais pas bien du tout ! (il rit)
Aujourd’hui, il m’arrive de manger de la viande, surtout pour le côté « social ». Et, je vais te dire, je ne crache pas non plus sur un verre de vin.
Emilie J’aimerais évoquer cette notion présente dans les Yoga Sutras dvanda anabighata, la gestion des paires d’opposés. Pour résumer, le yoga nous aide à mieux gérer les paires d’opposés et d’être moins sensibles – chaud/froid, succès/échec, mensonge/honnêteté etc. En somme, le yoga nous aide à mieux gérer certaines situations compliquées.
Parmi ces situations, j’en ai une très concrète sur laquelle j’aimerais tes lumières.Cette situation est la suivante: je donne des cours de yoga pour le compte d’une personne et cette personne refuse finalement de régler les cours que j’ai faits pour elle, faisant preuve d’une très grande mauvaise foi. Quelle est la meilleure attitude à avoir pour quelqu’un qui est dans le yoga ?
Claude Je dirais très simplement la chose suivante. L’argent que l’on nous donne pour un cours que nous donnons, ça donne de la valeur, dans notre société, à la prestation professionnelle. Maintenant, dans certaines situations, ne rien demander à quelqu’un peut augmenter la valeur de cette prestation. Et puis, dans d’autres situations, ne rien demander ou ne pas être payé peut diminuer la valeur.
Il m’est arrivé de donner des cours à des personnes dans le besoin et, qui au moment de me payer, je leur demandais de bien vouloir accepter de ne rien me donner. Parce que, je pense qu’il est important que l’on puisse avoir ce contact, parfois, avec les élèves. Dans ce cas, le fait de ne rien demander augmente la valeur de la prestation.
Dans ce cas, j’ai envie de dire que c’est le terme de yoga viveka, le discernement, qui est engagé.
Je vais te raconter une petite histoire. Un jour, une jeune femme décide de prendre des cours avec moi de manière régulière. Elle me dit: « Je n’ai pas de moyen financiers, est-ce que vous acceptez que je ne vous paye pas? » J’ai pensé que ce qu’elle me disait était la vérité, et j’ai accepté. Et puis un jour, elle vient à son cours et me montre un truc qu’elle a acheté. Un machin qui valait pas mal d’argent. Et elle en était fière ! Donc, innocente, quelque-part. Quand j’ai vu ça, je me suis dit… hum…
Emilie « Elle est gonflée » (rires)
Claude Exact ! C’est ça, elle est gonflée ! (rires)
L’argent doit être un moyen de faire les choses le mieux possible, et parfois il faut savoir faire des cadeaux.

Nouvel aparté pour préciser que, vous me connaissez, cette question n’était pas innocente ! Elle m’est inspirée par une petite mésaventure qui m’a value un peu de souci cet été. Avant de connaître la réponse de Claude, j’avais cherché ma propre réponse au fond de moi. Résultat des courses, après m’être battue pour que cette facture ne reste pas impayée, j’ai compris que certains combats ne valaient pas la peine. Du côté de mon interlocutrice, elle même prof de yoga (oui oui, comble de l’absurde !) la mauvaise foi est vite devenue malhonnêteté. J’ai donc décidé de ne pas courir après cet argent et de laisser la personne se dépêtrer avec son karma négatif. 

Emilie Quelle est ta définition du bonheur ?
Claude Je le résumerai en 2 mots  : clarté et paix.
Emilie Aujourd’hui, es-tu heureux ?
Claude Je sens très bien qu’à certains moments, ma clarté n’est pas parfaite. Et qu’à certains moments, ce n’est pas la paix totale ! J’ajouterais que je crois qu’un peu d’auto-dérision, c’est un bon système. Ne pas se prendre trop au sérieux, mais être sérieux.

Je remercie très chalereusement Claude Maréchal d’avoir accepté de répondre à ces questions dont certaines sont finalement assez intimes.
Volontairement, j’ai choisi de ne pas vous partager la totalité de cette interview. Pour la découvrir dans son intégralité et connaître les 2 questions bonus, rendez-vous sur l’intégrale audio ci-dessous.

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Cet article a 2 commentaires

  1. Camille

    Super cette interview. Passionnante et riche en peu de mots finalement. Merci de partager ça avec nous !

    1. Emilie

      Merci à toi Camille ! J’ai hâte de vous proposer la version audio, elle est vraiment sympa ! 🙂

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